Réflexions Macro #2

Quelle direction pour les marchés en cette fin d’année 2019?

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Retour sur l’été 2019, dont l’ampleur des événements ne peut être mesurée qu’avec un bref retour sur certaines dates clefs:

  • 31 Juillet – Fed: Bien qu’ayant cédé aux pressions du marché demandant une réduction des taux, Jerome Powell douche les espoirs de futures mesures en qualifiant de « mid-cycle adjustment » la baisse de 25bp.
  • 1er Août – US: Le président Trump monte d’un ton et annonce de nouvelles mesures douanières à hauteur de 10% sur $300M de produits chinois, effectifs au 1er Septembre.
  • 5 Août – La Chine (1) annonce l’arrêt de ses achats de soja américain et (2) laisse le RMB dévaluer sous la barre symbolique des $7. Le RMB perd 3% au total sur le mois, son pire mois depuis Novembre 1990.
  • 8 Août – Italie: Matteo Salvini, renforcé à la suite des élections européennes, avance ses pions vers un élection anticipée dans une tentative de consolidation des pouvoirs visant à mettre fin à l’alliance de son parti avec le parti 5 étoiles de Di Maio.
  • 11 Août – Argentine: Enregistrement du deuxième plus grand choc journalier des 70 dernières années en Argentine à la suite des élections primaires donnant vainqueur le candidat Alberto Fernandez vainqueur (-48% sur le Merval enregistrés en équivalent USD).
  • 24 Août – Jackson Hole: Alors que Jerome Powell est sur le point de prononcer un discours, la Chine impose des frais de douane supplémentaire: Trump déclare ‘obliger’ les entreprises américaines à rapatrier leur production.
  • Tout au long du mois d’Août – HK: Intensification des manifestations liées à la loi d’extradition de Carrie Lam. Des images de l’armée populaire de Chine (PLA) laisse à croire qu’une intervention chinoise est imminente.

Ces événements ont amené le marché des obligations à atteindre le record mondial de $17T en rendements négatifs à la fin du mois d’Août.

 

En l’absence de fragilités au mois de Septembre, le relâchement observé sur les actifs risqués de ces craintes – s’apparentait donc à un ‘rally de Santa Claus’ avant l’heure sur fond d’optimisme retrouvé et bienvenu pour les investisseurs ayant écourté leurs vacances d’été.

 

Bien que le quatrième trimestre de 2018 soit encore frais dans l’esprit des investisseurs, le contexte est bien évidemment différent avec dorénavant une Fed ayant « pivotée » en Janvier 2019 d’une politique monétaire restrictive en « auto-pilote », vers une trajectoire accommodante ainsi qu’une économie américaine affichant des signes forts de ralentissement.

 

Ci-joint la revue des éléments majeurs dont nous suivons les développements de près.

 

(1) Les Etats-Unis rejoignent le reste du monde, les services emboîtent le pas à l’indice industriel manufacturier

 

Les indices manufacturiers et services ont tous les deux déçu en Septembre. L’ISM des services, en baisse pour son 4ème mois d’affilé est à son plus bas niveau en 37 mois (de même pour les nouvelles commandes). L’indice manufacturier US – affichant un résultat de 47.8 – vient même de passer sous la moyenne des PMI des marchés développés de 48.8. La décélération américaine, plus prononcée dans le secteur manufacturier les mois précédents, se reflète dorénavant dans les services, eux-mêmes étant sur le point d’entrer dans une zone de contraction mettant ainsi en doute à l’idée que le secteur des services soit immunisé de toute faiblesse ressentie par son homologue manufacturier.

 

Source: Bloomberg

 

La composante exportations affichant par ailleurs une forte baisse de croissance nous donne une vision anticipée du marché actions US pouvant consolider dans les mois à venir.

 

 

Renforçant l’idée d’une décélération et prenant à contre pied l’idée d’un marché du travail se portant à merveille, la composante emploi semble se détériorer sur les deux index: l’emploi des services tombe au plus bas sur 67 mois tandis que le manufacturier au plus bas pour 44 mois.

 

A cela est venu s’ajouter une nouvelle révision du Bureau du Travail américain (-500K sur l’année 2019), une déception sur l’indice ADP du mois de Septembre couplée à une révision du mois d’Août ainsi qu’une baisse de la confiance des consommateurs et intentions d’embauches futures. Bien que cette dernière n’ait pas été confirmée par l’index NFP (Non-Farm Payrolls), cette variable pourrait poursuivre sa décélération au vue de la réduction générale d’actifs non-employés (taux de chômage de 3,5% = au plus bas depuis les années 1970).

 

Source: Bloomberg

 

En Europe, la contraction s’accentue. L’indice manufacturier de la Suède, du fait de sa forte exposition au commerce mondial et sensibilité aux exportations, enregistre sa pire contraction depuis 2012. Le rebond manufacturier allemand tant attendu n’est toujours pas arrivé: la contraction ayant débutée au mois de Janvier se retrouve au plus bas pour l’année 2019 à 41.7.

 

Source: Bloomberg

 

PMI Suède vs Euro Composite

 

Source: Nordea

 

L’équivalent asiatique de la Suède, la Corée du Sud affiche une croissance des exportations tout aussi faible, indicateur fortement corrélé à la performance action US.

 

Source: Hedgeye

 

A noter, qu’à la différence de leurs homologues développés demeurant en zone de contraction depuis Janvier 2019, les pays émergents affichent une une certaine résilience.

 

Source: Bloomberg

 

(2) Les banques centrales en pleine cacophonie, pressions inflationnistes montantes ?

 

Aux Etats-Unis, une 3ème coupure des taux au rendez-vous du mois d’Octobre de la Fed permettrait-elle de soutenir les marchés? Alors que 2 réductions (Juillet & Septembre) auraient-pu faire croire à un ajustement de « mi-cycle »?

 

L’enjeu sera de taille pour la Fed: malgré une réduction potentielle de son taux directeur le 30 Octobre prochain, une sortie considérée comme trop ‘hawkish’ lors de la conférence de presse viendrait exacerber ce ralentissement avec un dollar qui viendrait à s’apprécier et limiterait la capacité des autres banques centrales à mettre en place des plans de relance efficaces. A cet égard, les commentaires affichés d’une « économie résiliente » par certains membres du comité, tels que Richard Clarida (Vice-président) ou Charles Evans (Chicago Fed), contrastent avec les propos de James Bullard (St Louis Fed) en faveur d’une « intervention agressive » et laissent penser que les débats seront vifs.

 

Quoiqu’il en soit, à la suite de la publication des indicateurs services et manufacturiers US reflétant une contraction du marché , celui-ci à pris bonne note et ré-ajusté une probabilité de coupure des taux US de 25bp de 39,6% à 75,4% lors du rendez-vous de la Fed du 30 Octobre prochain. Les attentes pour le mois de Décembre ont elles-aussi été revues à la hausse (37,8% vs 17,5% la semaine précédente) avec une réduction supplémentaire de 25bp, portant ainsi au nombre de 4 les coupures pour l’année 2019.

 

 

Source: CMEGroup.com

 

A noter les pressions inflationnistes montantes qui pourraient contraindre les actions de la Fed dans son double mandat de stabilisation des prix et de soutien au marché de l’emploi. Ces dynamiques de fin de cycle liées au salaires se retrouvent en Europe, alors qu’en Asie des élément sont propres à certains pays (Épidémie de grippe porcine loin d’être endiguée en Chine et augmentation d’une taxe à la consommation au Japon).Dans ce cadre nous restons ouverts à un scénario de « Stagflation » (Inflation montante + Baisse de la croissance).

 

Source: Hedgeye

 

(3) Une annonce des résultats US qui s’annonce décevante, due en partie aux pressions salarialesDans le meilleur des cas pour les marchés, qui combinerait (1) une Fed résolument accommodante (2) une relâche des tensions US-Chine et (3) une relance chinoise efficace, le marché du travail américain approche saturation et cela devrait se faire sentir dans la compression des marges des entreprises américaines. En fin de cycle:

 

  • Les pressions salariales grandissent du fait d’un marché du travail approchant le plein emploi
  • Le manque de possibilités d’embauches mène à une augmentation des salaires et à une compression des marges des entreprises
  • La diminution des profits due à la compression des marges et pressions sur les salaires se reflète automatiquement dans une capacité restreinte d’embauche future, menant à une diminution de la croissance de l’emploi.

 

L’emploi US à ce stade pourrait continuer à se détériorer, tandis que les pressions sur les marges devraient continuer à s’accentuer.

 

Croissance de l’emploi US vs Croissance des salaires

Source: Hedgeye, Bloomberg

 

Croissance des salaires vs Croissance du PIB: Pression accentuée sur les marges

Source: Hedgeye, Bloomberg

 

En plus des salaires, d’un dollar relativement fort et d’une demande en baisse, les ingrédients sont tous réunis pour l’affichage d’une baisse prononcée des résultats US à venir.

 

Enfin, les rachats d’actions ayant récemment atteint de nouveaux records manqueront à l’appel lors de la période d’annonce, du fait du “blackout” associé ne permettant pas le rachat d’actions.

 

Source: Bank of America

 

A ces considérations macro-économiques viennent s’ajouter d’autres risques idiosyncratiques que nous développerons dans de prochaines notes, entre autres: les risques liés aux IPOs futures, la procédure « d’impeachment » du Président Trump et l’état des lieux des risques géopolitiques.

 

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